Pourquoi t’es-tu orienté vers le métier d’agent ?
Mikel Ange Ehueni : Ce qui m’a amené à être agent, c’est dans un premier temps la passion du football. Je suis également issu d’une formation juridique. J’ai fait un master dans le droit des affaires internationales et pendant ma licence, j'étais curieux de connaître les coulisses du milieu du football. Forcément, on commence à regarder ce sport différemment, comment se passe la gestion d’un contrat et c'est ce qui m’a poussé à approfondir mes recherches. Étant une personne accès sur l’humain, je me suis dit qu’on pouvait changer les choses, faire mieux ou autrement.
Du coup, lorsque j’ai fini mon cursus universitaire, j’ai commencé à travailler dans un premier temps comme juriste/avocat et finalement, je suis revenu aux premiers amours. J’ai passé ma licence, que j’ai obtenue. Depuis, je bosse dans l’agence « Doubled Sports » et nous gérons les intérêts notamment de Thierry Henry, Cesc Fabregas, Kolo Touré ou encore Gaël Clichy. Je m’occupe présentement du territoire français, mais le métier n’est pas cloisonné.
Est-ce que l’examen est plus abordable si on a fait du droit avant ?
Mikel Ange Ehueni : Étant issu d’un cursus juridique, le passage de l’examen était plus facile pour moi, mais pas forcément parce qu’il y avait beaucoup de droit. La première partie de l’examen est juridique, du coup, je n’ai pas eu à travailler énormément dessus, mais la seconde partie est réglementaire donc elle est accessible à tout le monde. Les règlements, on les trouve partout, il faut les apprendre, les comprendre et savoir les appliquer. C’est plutôt dans ma méthodologie de travail que j’avais une longueur d’avance.
Quelques conseils pour les futurs candidats à l’examen ?
Mikel Ange Ehueni : Honnêtement, l'examen en lui-même est scolaire, il faut s’enfermer et apprendre. L’examen n’est pas forcément en lien avec la pratique au quotidien. Il faut se concentrer et ne pas se laisser distraire si on a pour objectif d’obtenir la licence. C’est un peu ce que l’on demande à nos joueurs au final.
Selon toi, quels sont les fondamentaux pour un agent ?
Mikel Ange Ehueni : Pour être agent, il faut de l’abnégation, du courage et une grosse force mentale. L’abnégation, car il faut creuser sans cesse, ne jamais abandonner peu importe le dossier ou le deal. Le courage, parce qu’il faut aller parler à des gens, se jeter à l’eau et avoir cette insouciance qui est propre à la génération actuelle. Une grosse force mentale, parce que c’est 95% de déceptions pour 5% de moments de joie. On vit pour ces moments-là.
Tu as aussi des déceptions humaines, sportives, honnêtement, c'est difficile. Si tu penses venir et faire de l’argent, ça ne sert à rien de le faire parce que ce n’est pas vrai.
La proximité, un élément clé pour récupérer un joueur ?
Mikel Ange Ehueni : Oui, au début, tu auras une longueur d’avance, parce que vous parlez le même langage, vous avez les mêmes codes. C’est la première étape. Cependant, pour garder un joueur, il faut savoir travailler.
"Plus le joueur va grandir, plus il va comprendre comment marche le football et va attendre de la compétence plus que de la proximité."
Beaucoup d’agents se reposent sur des agents jeunes novices, car ils savent qu’ils créent rapidement des liens avec les jeunes joueurs.
Qu’attend un joueur expérimenté de son agent ?
Mikel Ange Ehueni : Les résultats, tout simplement. Le joueur expérimenté a une vie, une femme, des enfants. Que vous soyez amis, c'est bien, mais il veut surtout que tu travailles de manière compétente et efficace.
Les agents qui pensent plus à l’argent plutôt qu’à l’accompagnement, pourquoi cette vision ?
Mikel Ange Ehueni : En rentrant dans ce métier, je me suis posé la question. Plus tu évolues dans le milieu, plus tu te rends compte que souvent le problème ne concerne pas les agents, mais les joueurs. Parfois les plus fourbes sont les joueurs ainsi que leur entourage. A un moment donné, quand tu as connu des revers et des trahisons, toi aussi, tu as une vie et avec tous les sacrifices demandés pour faire du bon travail, tu dois penser à toi. C’est un travail chronophage et énergivore.
De plus c’est un droit, tout travail mérite salaire, après généralement en France l’argent est tabou. Lorsque je fais des deals à l’étranger, ça ne dérange personne que je parle de ma commission. Il y a un manque de fidélité dans ce milieu, tout est assez vaste. Des fois, tu laisses l’argent en te disant que tu es là pour accompagner le joueur et au final, tu te prends un couteau dans le dos. Il faut essayer de se sécuriser un minimum.
Un dernier mot, concernant le métier d’agent ?
Mikel Ange Ehueni : Le métier d’agent, ce n’est ni FIFA, ni Football Manager. C’est très difficile, je ne décourage personne. Si je devais être honnête, si je croise des personnes qui veulent devenir agent, je vais leur dire de regarder les matchs au stade ou devant la télé, c'est déjà bien.
Maintenant, si tu es prêt et que tu as une appétence pour le business derrière, parce que ce n’est pas que le football qui parle, ce n’est pas vrai. Si tu as une grosse force mentale et que tu es prêt à sacrifier une grosse partie de ta vie, fonce. Ne commence pas ce métier pour l’argent. Il y en aura seulement si tu fais bien ton travail. Et surtout bon courage. Et si je suis amené à en croiser et que je leur pique un joueur, il ne faudra pas m’en vouloir, c’est le jeu (rires).
Interview menée par Abdelwahab Hamed pour SportsAgent Institute le 22 mars 2023.